Communiqué
Un travail que l'artiste serbe poursuit inlassablement depuis son magistral projet Panic Book, partout acclamé.
Formé à la peinture, Nemanja Nikolic excelle dans le dessin qui lui a valu de nombreux prix. Dès ses premiers travaux, il s'est attaché à explorer le potentiel expressif du dessin classique, et a trés vite développé ses recherches vers les schémas plus complexes de l'image en mouvement. Une démarche conceptuelle qui parait presque naturelle quand on sait la fascination de l'artiste pour le septième art et qui en fait une des spécificités de son approche artistique. Il a ainsi donné aux formes traditionnelles d'expression du dessin une dimension visuelle plus complexe, reliant le langage de l'art visuel et du film. L'animation, vite devenue sa nouvelle forme d'expression visuelle, s'est souvent reférée aux films d'Hitchtcock, tant pour leur forme que pour leur thématique (ainsi de Panic Book). L'artiste en retient notamment la méthode de construction graduelle (image par image), la tension et l'incertitude psychologique comme structure narrative.
Hommage au film noir, Double Noir (2016) est une video constituée de soixante séquences relatant un homme à la poursuite de son ombre. Avec pour protagoniste Humphrey Bogart, les scènes sont inspirées de dix huit films joués par cette figure iconique du film noir. Chaque séquence est faite de dessins à la craie blanche sur un grand tableau noir, mais seul le dernier dessin de chaque séquence subsiste sur le tableau. De ce fait, la seule mémoire des quelque 1800 dessins nécessaires à l'animation est la vidéo elle même. Présenté pour la première fois au 56eme Salon d'Octobre à Belgrade, Double Noir figure dans d'importantes collections dont le Lucas Museum of Narrative Art à Los Angeles.
Uncontained Images (2018) est une installation audio visuelle composée de cinq vidéos d'animation, réalisée pour le 57ème Salon d'Octobre à Belgrade. Les séquences sont faites à partir de dessins à l'encre et au fusain sur des pages de livre et des cartes géographiques. Comme dans Panic Book, les livres datent de l'ère Tito et traitent de théorie socialiste autogestionnaire. Le questionnement du mouvement de l'image est ici concentré sur des séquences uniques et courtes (hormis la séquence du train) dont les images sont inspirées de différents films réalisés pendant la guerre froide. Chacune des videos a sa propre bande son : des sons de machines, de vagues ou de pages de livre feuilletées, qui se complémentent dans l'espace de la galerie.
La vidéo Gun est inspirée d'une scène de The Big Combo (1955), film noir, qui figure en gros plan une main sortant un revolver d'une poche. Au moment où le pistolet se tourne, pointant vers un spectateur fictionnel, il repart dans la poche. La scène est dessinée sur des pages du livre Social Criticism du grand idéologue socialiste Edward Kardelj.
La vidéo du Train relève d'une composition et d'un montage plus complexe : 28 séquences figurent le train sous différents angles, cadrages ou points de vue de la caméra. Les dessins sont inspirés de films tels From Russia With Love (1963), The Train (1964), The French Connection (1971), Runaway Train (1985) etc. Ils sont réalisés sur des livres liés directement à la biographie de Tito ou d'autres ayant influencé sa théorie autogestionnaire. Ils sont aussi faits sur des cartes ferroviaires de l'ex-Yougoslavie. Vue par l'artiste comme une illustration de l'idéologie en cours, l'animation montre un train en marche accélérée, sa chute et sa poursuite au-delà des obstacles.
Contrairement aux précédentes vidéos à la structure linéaire (avec début, sommet et fin), la narration dans Uncontained Images est cachée, l'intrigue potentielle étant laissée à l'interprétation lib're du spectateur. Elle nait de l'interaction possible entre les différents segments de l'installation.
Par son analyse du mouvement des images et de sa logique temporelle, Nemanja Nikolic aborde dans ces oeuvres la question de la nature des potentiels narratifs et symboliques de l'image du film. De même que Double Noir parait une histoire sans fin, puisque la derniere scène rejoint la scène première, effaçant tout en redonnant vie à l'intrigue, de même les séquences en boucle de Uncontained images peuvent s'interpréter en une intrigue à réinventer: «A sketch for one erasable plot».