Communiqué
Figure montante de la scène artistique colombienne, Leyla Cárdenas explore la réalité dans un geste sculptural qui vise à spatialiser et matérialiser le temps. Ses oeuvres questionnent les ruines urbaines, les sites de démolition et les espaces abandonnés comme autant d'indications de transformations sociales, de pertes et de mémoires perdues. Sa démarche rappelle celle de l'archéologue qui analyse les différentes couches constitutives d'une réalité fragmentée. L'artiste procède ainsi par déconstruction comme moyen de construction. La peau superficielle devient une voie à explorer et à creuser pour faire apparaitre différentes strates de temps. Tels des palimpsestes, les matériaux et fragments récupérés sur un site deviennent d'humbles documents où les temps présent, passé et futur sont contenus et enregistrés.
Marquée par les changements structurels progressifs qu'a subi Bogota, sa ville natale, Leyla Cárdenas participe ainsi à la récupération du passé et à la restitution de la mémoire inhérente aux ruines et au rêve républicain, laquelle est destinée à disparaître au nom du progrès. L'artiste procède aux mêmes recherches dans les différents lieux qu'elle approche : Paris, Tbilisi, Maastricht, Sicile, Grèce...
Pour sa première exposition personnelle à Paris, Leyla Cárdenas présente un corpus d'oeuvres emblématiques de sa démarche sous forme de photographie, textile et installation. Le titre de l'exposition est un palindrome, RESSASSER, ainsi qu'une grande partie du concept de l'exposition. Les oeuvres nouvellement créées s'ordonnent ainsi autour de réflexions, de répétitions et de cycles.
Des oeuvres sur textile documentent des immeubles en voie de disparition, dont souvent ne reste que la seule façade. Photographié par l'artiste, le mur devient image imprimée sur un tissu en voile léger dont la trame est partiellement détissée, révélant la fragilité du processus. La disparition progressive du lieu est ainsi matérialisée dans le support même de l'oeuvre. Le tissu urbain est déchiré par ces transformations architecturales, le processus de dé-tissage du tissu procède d’une analogie avec ces cycles temporels et spatiaux. D'autres oeuvres révèlent des images de lieux associées à des fragments de matière prélevés dans des espaces urbains. Entre matérialisation et dématérialisation, ces fragments apparaissent comme des traces géologiques témoignant d'une montagne érodée pour les usages de la construction urbaine. Une installation opère un dialogue entre l'espace de la galerie et des éléments de récupération trouvés à Paris.
A travers ses images et titres en miroir, Leyla Cárdenas fixe un moment d'un cycle historique comme autant de réflexion sur le temps, la transformation, la destruction et la reconstruction.