Communiqué
Entrer dans le monde de Tïa-Calli Borlase, c'est entrer dans un monde insolite d'objets, « singuliers arrangements tridimensionnels » pour reprendre les termes de Paul Ardenne, nés de détournements et d'assemblages propres à la métaphore.
Elaborées avec des matériaux de lingerie féminine détournés de leur utilisation première - des coques de soutien-gorge aux passementeries en passant par les baleines de corset - ces sculptures proposent des formes incongrues, ambigües, voire subversives, issues de déplacements et d'hybridations successives.
Objets de désir, les sculptures de Tïa-Calli Borlase sont apparentées au corps humain ou animal. Qualifiées de « sculptures membranes », elles exposent des corps-sensations, des corps-émotions, des corps-anatomiques. Elles jouent entre pesanteur et légèreté, équilibre et déséquilibre, présence et absence, élision et apparition, symétrie et bizarrerie, souffrance et séduction.
Dans ce travail plastique qui joue de la création textile, le rôle de l?aiguille relève d?une dimension obsessionnelle. Cette technique de sculpture par la couture s?apparente à des actions telles qu'embobiner, attacher, tisser, tramer, revendiquer, combiner, articuler, ravauder, rapiécer, réparer, soigner. Ce sont là autant d'allégories des relations humaines. Autant d?expériences du désir dans la création.
Derrière cette constitution du désir, il y a la recherche de l?intensité ; une intensité trouvée dans la mobilité, le voyage, les ateliers hors les murs, le nomadisme des sculptures, quelque chose qui « tord les nerfs ».
Toutes ces sculptures entretiennent en effet un lien étroit avec le voyage, et ce dès leur origine. Les premières expériences de l'artiste sont nées d?accrochages éphémères et clandestins lors de ses expéditions dans des sites archéologiques d?Ouzbekistan ou les temples d'Angkor.
Présenter des sculptures en suspension exprime quelque chose en équilibre entre une réalité à l'aspect frivole et le camouflage de sa signification réelle.
L'accrochage en l'air entretient un complexe jeu de rôle dont la conduite est souvent disposée à la malice. L?agencement des formes, cette manière de circonscrire les corps, participe d?un érotisme évident.
Ces sculptures devenues objets de désir sont aussi un questionnement des liens entre féminin et masculin. L'imbrication des formes et leur complémentarité voire leur symétrie suggèrent des liens affectifs - l'attachement, l'enchaînement, l'assujettissement, les permutations, les inversions, les renversements, toutes formes dictées par l'émotion.
La même démarche préside aux sculptures équestres, autres objets de désir présents dans l'oeuvre de Tïa-Calli Borlase. Cavalière émérite, l'artiste entretient un rapport très intime avec le cheval, être fragile et puissant tout à la fois. Tantôt objet de sculptures faites de matériaux similaires à ceux des sculptures membranes, il est aussi sujet de sculptures vivantes ornées de caparaçons raffinés, cousus et ornés par l'artiste.
Dans tout son travail artistique, Tïa-Calli Borlase se créer des territoires d'action bien spécifiques qui deviennent, comme dirait Gilles Deleuze, sa géographie du désir.