Communiqué
Pour son exposition inaugurale à la Galerie Dix9, Esmeralda Kosmatopoulos présente « from her to the moon », premier volet de « Mother », un projet inédit où l’artiste explore la notion de féminité dans toute sa complexité en s’inspirant de l’image de la mère, première image que nous avons de la femme, en rapport avec l’un des premiers endroits où nous confrontons la féminité – le sein nourricier et protecteur. A travers cette mythologie personnelle créée par l'artiste, le projet se déploie dans une exposition immersive où des sculptures/photographies sont encerclées par des ecritures et dessins de chimères brodés sur de grands voiles.
CHIMERES - texte de Esmeralda Kosmatopoulos
Homère, dans l’Iliade, évoque les chimères, ces fabuleuses créatures hybrides faites de plusieurs corps assemblés, «lion devant, serpent derrière, bouc au milieu». Vingt-huit siècles plus tard, la science nous montre que cette métaphore reflète une réalité biologique qui est à la base de la relation mère-fille. Pendant la grossesse, la mère et le foetus échangent des cellules qui finissent par s’installer durablement dans les organismes de l’un et de l’autre. Après la naissance, une fille porte, toute sa vie, les cellules de sa mère, mais la mère garde aussi en elle les cellules de son bébé ; deux chimères sont nées.
Quarante ans après la coupure de mon cordon ombilical, je porte toujours en moi des cellules génétiquement différentes des miennes; Je porte encore en moi - cachés dans ma moelle osseuse, mon coeur, ma peau... ou même mon cerveau - des élément d’un corps étranger (biologiquement parlant), celui de ma mère. Depuis ma plus tendre enfance, on me dit tout le temps « tu es la copie exacte de ta mère »… Je devrais leur répondre qu’en réalité, ce n’est pas mon identité qui imite la sienne, mais plutôt son altérité qui fait partie intégrante de mon identité. Que je le veuille ou non, ma mère est en moi.
Les cellules chimériques, tantôt bénéfiques, tantôt nocives (comme l’est très souvent la relation mère-fille), sont à la base d’un lien si profond qu’il dépasse notre entendement ou le pouvoir de notre volonté. Dans le corps de chaque femme coexistent les cellules de ses ancêtres et de ses descendants. Ils forment un lien invisible qui transmet des savoirs et des traumatismes. Avant d’être mères et même sans jamais l’être, les femmes sont des chimères. Chacun nous contient tous.