Toujours fidèle à une recherche sur de grandes figures ou des lieux spécifiques, Anne Deguelle travaille sur des thèmes aussi divers que la littérature, l'art ou la religion. Fouillant dans l'univers du personnage ou du lieu, elle soulève un détail anecdotique, aspect souvent passé inaperçu, qui devient le fil conducteur d'un travail d'analyse avec questionnements et réponses hypothétiques. Anne Deguelle s'est ainsi penchée sur Beuys, Duchamp et la bouteille de Bénédictine, Raymond Roussel et sa présence à Palerme (premiere exposition personnelle à la Galerie Dix9), Radegonde à la chapelle de Chinon ou Dürer et sa gravure "Mélancolie". Elle s'est aussi longuement penchée sur le tapis recouvrant le divan de Freud (deuxième exposition personnelle à la Galerie Dix9), offrant une lecture symbolique nouvelle de l'univers freudien et démêlant avec soin entrelacs tapissiers et circonvolutions de l'âme. Le Mobilier National a commandité la reproduction du tapis en dentelle d'Alençon, époustouflant travail à l'aiguille.
« Élevée à l'art surréaliste du lapsus, experte en glissements dans sa conversation comme dans son oeuvre, l'artiste aime à jouer des mots comme des signes du réel : « difficile, quand on est obsessionnelle comme moi, de ne pas voir des signes partout », s'amuse-t-elle. Son art consiste ainsi avant tout à arpenter ce « Ministère des coïncidences » » qu'évoquait Marcel Duchamp, un de ses « cobayes » esthétiques préférés.(...)
Au fil des ans, Anne Deguelle a ainsi appris à plonger dans le passé pour le lire comme une constellation de sens et multiplie les interventions dans ce domaine. Elle aime parcourir au présent le destin de grandes figures de l'art, de Beuys à Duchamp, « histoire de comprendre comment on refaçonne l'histoire ». C'est ainsi que, de 1986 à 1996, elle enregistre d'année en année le passage du temps sur la nécrologie de Beuys arrachée à un Libération, son jaunissement progressif . Elle aime, surtout, travailler au corps le lieu qui l'invite : nourrie d'in situ, elle ne peut se détacher des réalités qui l'accueillent, les occulter, les refuser. Au contraire elles infusent son travail, elles lui donnent énergie, elles lui construisent un inconscient. Poétique archéologie qui dit autant de nos temps présents que de leur passé.»
Extraits du texte d''Emmanuelle Lequeux paru dans le catalogue de Maubuisson Abbey Road en 2005